Franz von Stuck, peintre bavarois, eut pour élèves Kandinsky et Klee et également une très forte influence sur le courant Sécession munichois. Totalement oublié, ses tableaux seront redécouverts dans les années 1960. Il peint "Le péché" ("Die Sünde") en 1893.
Von Stuck représente fréquemment de redoutables femmes dans ses oeuvres : Salomé qui obtient par ses charmes la tête de Saint Jean-Baptiste, Judith qui décapite de ses propres mains Holopherne après l'avoir séduit, Circé qui transforme quelques compagnons d'Ulysse en pourceaux, et enfin une amazone blessée. On pourrait ajouter à cette liste "Orphée", qui n'est pas une femme mais un homme qui sera déchiré (littéralement) par des ménades, et cette femme anonyme pour laquelle se battent férocement deux hommes, dans "Der Kampf ums Weib". Arrive maintenant cette figure allégorique qui représente le péché. Et naturellement von Stuck choisit une figure féminine [1] pour le symboliser.
Le religieux est très présent dans cette représentation. Le cadre du tableau d'abord : deux colonnes soutiennent un entablement. Le cadre forme un temple dont la figure féminine représentée pourrait être la prêtresse. Ce n'est pas anodin, puisque von Stuck apportait une attention particulière à la fabrication de ses cadres. Ce dernier est doré, et n'est pas sans rappeler à la fois les fonds dorés des mosaïques et fresques moyenâgeuse, même si on peut objecter que cette tendance des fonds dorés est utilisé par le mouvement Sécession sans forcément un caractère religieux. L'utilisation du serpent qui rappelle immédiatement la Genèse, et les nombreuses peintures d'épisodes bibliques que von Stuck a réalisé (Salomé, 1906 - Angel with the Flaming Sword - Crucifixion, 1892 - Judith et Holopherne, 1926 - Lucifer, 1890 - Pieta, 1891) laissent deviner qu'on ne peut retirer la dimension religieuse à ce tableau sans rater d'une bonne partie du message de l'artiste.
A quel péché von Stuck fait-il référence ? Le péché est soit une faute ou une erreur, soit une transgression de la loi divine dans un sens religieux. La gourmandise, la paresse, l'orgueil, l'avarice, l'envie, la colère, et la luxure sont les péchés capitaux dans la religion catholique. C'est de ces péchés capitaux que découlent les autres péchés. Le regard de la figure qui fixe le spectateur, sa chair blanche, le serpent, les longs cheveux (jusqu'en dessous du nombril, qui rattachent iconographiquement cette figure à Sainte Marie-Madeleine, sainte patronne des prostituées), tout semble indiquer que dans cette multiplicité des péchés, von Stuck ne retient ici que le péché de chair.
Qu'est-ce que von Stuck nous montre dans "Die Sünde"? Les deux surfaces claires dans le tableau sont un aplat doré en haut à droite, que je ne sais pas analyser, et les seins et le ventre de la figure féminine. On peut remarquer par contraste que le visage reste dans l'ombre. Le péché est peut-être avant tout corporel. L'esprit (de la tentatrice) n'invite pas au péché, son corps si. Et quelle partie du corps ? On doit en effet se demander pourquoi von Stuck focalise toute son attention sur cette partie du corps féminin, s'étendant du nombril aux seins. Pas de rondeurs des fesses, pas de galbe des cuisses, pas de déhanchement sensible. Le sexe n'est pas visible non plus. On peut s'apercevoir sur d'autres peintures, que von Stuck apprécie la posture particulière de la figure et qu'il utilisera des variations de celle-ci dans plusieurs de ses tableaux.
Von Stuck représente fréquemment de redoutables femmes dans ses oeuvres : Salomé qui obtient par ses charmes la tête de Saint Jean-Baptiste, Judith qui décapite de ses propres mains Holopherne après l'avoir séduit, Circé qui transforme quelques compagnons d'Ulysse en pourceaux, et enfin une amazone blessée. On pourrait ajouter à cette liste "Orphée", qui n'est pas une femme mais un homme qui sera déchiré (littéralement) par des ménades, et cette femme anonyme pour laquelle se battent férocement deux hommes, dans "Der Kampf ums Weib". Arrive maintenant cette figure allégorique qui représente le péché. Et naturellement von Stuck choisit une figure féminine [1] pour le symboliser.
Le religieux est très présent dans cette représentation. Le cadre du tableau d'abord : deux colonnes soutiennent un entablement. Le cadre forme un temple dont la figure féminine représentée pourrait être la prêtresse. Ce n'est pas anodin, puisque von Stuck apportait une attention particulière à la fabrication de ses cadres. Ce dernier est doré, et n'est pas sans rappeler à la fois les fonds dorés des mosaïques et fresques moyenâgeuse, même si on peut objecter que cette tendance des fonds dorés est utilisé par le mouvement Sécession sans forcément un caractère religieux. L'utilisation du serpent qui rappelle immédiatement la Genèse, et les nombreuses peintures d'épisodes bibliques que von Stuck a réalisé (Salomé, 1906 - Angel with the Flaming Sword - Crucifixion, 1892 - Judith et Holopherne, 1926 - Lucifer, 1890 - Pieta, 1891) laissent deviner qu'on ne peut retirer la dimension religieuse à ce tableau sans rater d'une bonne partie du message de l'artiste.
A quel péché von Stuck fait-il référence ? Le péché est soit une faute ou une erreur, soit une transgression de la loi divine dans un sens religieux. La gourmandise, la paresse, l'orgueil, l'avarice, l'envie, la colère, et la luxure sont les péchés capitaux dans la religion catholique. C'est de ces péchés capitaux que découlent les autres péchés. Le regard de la figure qui fixe le spectateur, sa chair blanche, le serpent, les longs cheveux (jusqu'en dessous du nombril, qui rattachent iconographiquement cette figure à Sainte Marie-Madeleine, sainte patronne des prostituées), tout semble indiquer que dans cette multiplicité des péchés, von Stuck ne retient ici que le péché de chair.
Qu'est-ce que von Stuck nous montre dans "Die Sünde"? Les deux surfaces claires dans le tableau sont un aplat doré en haut à droite, que je ne sais pas analyser, et les seins et le ventre de la figure féminine. On peut remarquer par contraste que le visage reste dans l'ombre. Le péché est peut-être avant tout corporel. L'esprit (de la tentatrice) n'invite pas au péché, son corps si. Et quelle partie du corps ? On doit en effet se demander pourquoi von Stuck focalise toute son attention sur cette partie du corps féminin, s'étendant du nombril aux seins. Pas de rondeurs des fesses, pas de galbe des cuisses, pas de déhanchement sensible. Le sexe n'est pas visible non plus. On peut s'apercevoir sur d'autres peintures, que von Stuck apprécie la posture particulière de la figure et qu'il utilisera des variations de celle-ci dans plusieurs de ses tableaux.
Mais alors pourquoi le ventre ? Le ventre comme centre symbolique de la souffrance pour la naissance, conséquence du péché originel ? Le ventre comme rappel de la condamnation du serpent de la Genèse (ce dernier est maudit et condamné à se déplacer sur son ventre) ? La mise en évidence énorme du ventre, par le ventre même de la figure féminine et par celui suggéré du serpent doit avoir une incidence sur la compréhension du tableau. Mais laquelle ?
Une hypothèse possible est d'envisager le ventre et les seins de la figure allégorique comme un rappel en négatif du caractère reproductif que représente la plastique de la femme. Evidemment ici la figure féminine n'est pas maternelle. Le ventre et les seins de la figure de von Stuck ne sont plus signes de la reproduction, mais signifient uniquement l'érotisme de l'allégorie. Or le 19ème siècle est celui où la sexualité arrive au terme d'un processus de normalisation. Le mot hétérosexuel a fait son apparition pour désigner le comportement sexuel normal. Est normal le sexe qui peut mener à la reproduction, même si celle-ci est évitée. Cette sexualité normative est construite pour lui opposer l'homosexualité, l'onanisme, etc... tous les comportements non reproductifs. Peut-être faut-il partir de là pour comprendre l'importance du ventre dans ce tableau. Ma compréhension de ce tableau est que von Stuck focalise notre regard sur l'absence de reproduction. Il indique ainsi que le péché réside non dans l'activité sexuelle mais dans le caractère non reproductif de celle-ci. Si vous avez une autre idée qui explique l'importance qu'accorde von Stuck à ces ventres, je suis preneur. Laissez moi un commentaire.
Quoiqu'il en soit on notera que notre ami von Stuck a une attirance prononcée pour le stupre et le sinistre (certains diront sublime, c'est une question de point de vue), comme l'indiquent les tableaux suivants :
Salomé, 1906
Sünde, 1893
Sisyphus, 1920
Sensuality, 1891
Crucifixion, 1892
Judith and Holofernes, 1926
Susanna im Bade
Lucifer, 1890
Orpheus, 1891
Der Kampf ums Weib, 1905
C'est sans jugement de valeur de ma part bien entendu, j'aime les deux. Et en particulier la chair mortifère de cette belle allégorie, qui finalement a perdu avec les années beaucoup de son caractère répulsif, et que nous regardons aujourd'hui avec un oeil bien étranger à ces basses questions de reproductions.
[1] J'ai essayé de m'imaginer un homme à sa place... impossible je n'y arrive pas. Pour la musique par exemple on trouve des allégories sous la forme de figure féminine dans la peinture française (Poussin, Le Huet), et masculine dans la culture grecque (avec Orphée). Je n'ai surement pas pensé à tout. Des suggestions de figures masculines représentant allégoriquement le péché de chair ?
Illustrations :
Franz von Stuck, "Die Sünde" 1893 (Neue Pinakothek à Munich).
Franz von Stuck, "Der Kampf ums Weib" 1905 (Ermitage). La reproduction fait partie des 10 000 peintures compilées par le Yorck Project.
Franz von Stuck, "Salome" 1906 (Städtische Galerie à Lenbachhaus). La reproduction fait partie des 10 000 peintures compilées par le Yorck Project.
Merci pour cet article!
RépondreSupprimerSait-on plus de choses à propos des modèles qui posent pour l'artiste (en particulier pour Le péché) ? Avait-il une passion pour les serpents (en avait-il dans son atelier?)