James Smalls présente dans son ouvrage "l'homosexualité dans l'art" les diverses formes qu'ont pris les amours entre hommes ou entre femmes dans l'art. Ce livre est une réussite dans son éclectisme. Les formes artistiques répertoriées sont nombreuses : tableaux bien sûr, mais aussi sculptures, fresques, vases peints, estampes, gravures... Les époques et régions présentées sont également multiples : la Grèce classique, Rome, Byzance, le moyen-âge européen, la renaissance, le tout en occident. Mais ce n'est pas tout, des œuvres perses, chinoises, japonaises ou encore indiennes sont également présentes.
Smalls ne laisse pas l'idée d'une homosexualité anhistorique s'imposer au lecteur devant ces images, en présentant ce que l'on sait des amours entre hommes ou entre femmes pour chaque époque, leurs traits spécifiques. Il place ainsi judicieusement les images dans leur contexte culturel.
Un reproche doit cependant être adressé à Smalls. Les illustrations servent plus de faire valoir au texte que l'inverse. Les informations que donne Smalls sur ce qui rapporte les œuvres d'art à la culture homo-érotique de l'époque sont renvoyés en fin de livre dans un index à la typographie minuscule. Ce qui devrait faire l'intérêt de ce livre, ce n'est pas de replacer l'homosexualité dans l'histoire, mais de présenter les diverses représentations artistiques homosexuelles qui ont existé. On aurait donc aimé lire une analyse plus détaillé de l'iconographie des vases grecs par exemple, ou une réflexion sur le rôle du genre dans notre perception du caractère homosexuel ou non d'une œuvre d'art des périodes classiques.
http://books.google.fr/books?id=1l2tGQAACAAJ
dimanche 31 mai 2009
dimanche 24 mai 2009
Petite typologie de l'homosexualité dans l'art
L'homosexualité dans l'art recouvre sous un même vocable les multiples pratiques de l'amour entre hommes qui ont pu exister à travers les ages. Avant de comprendre une œuvre d'art, il faut alors peut-être se poser la question : pourquoi me parait-elle homosexuelle ? James Small, l'auteur d'un livre intitulé "l'homosexualité dans l'art", illustre cet ouvrage de nombreux tableaux, dont il n'est pas toujours évident de retrouver l'origine homosexuelle. Essayons alors de classer succinctement les différentes raisons pour lesquelles on fait référence à l'homosexualité dans l'art.
- Un premier cas évident pour commencer : la représentation met en scène des pratiques sexuelles entre hommes. Difficile de faire plus simple. C'est notamment le cas de vases grecs dont les peintures représentent les différentes modalités des rapports entre hommes.Rapport intercrural entre Zéphir et Hyacinthe
- Un artiste peut-être connu comme ayant eut des pratiques ou des goûts le rattachant à la forme d'homosexualité de son époque. Il en va ainsi pour le Pérugin, Léonard de Vinci, Boticelli, le Caravage, ou encore Dürer. La naissance de Vénus de Boticelli, sans référence directe à l'homosexualité, est utilisé par Smalls pour illustrer son livre, certainement plus en référence aux pratiques du peintre que pour toute autre raison. De même l'homme de Vitruve de de Vinci apparait dans les pages "Homosexuality (pre-modern)" de wikimedia commons, sans qu'on puisse vraiment relever sur cette images des connotations de pratiques sexuelles autres que celles que l'on projette sur le peintre.L'homme de Vitruve
- La représentation prête parfois aux personnages des caractéristiques physiques ou vestimentaires qui rapportent les personnages à un type de comportement. La barbe pour l'éraste indique l'homme mûr en Grèce, l'individu qui aura l'initiative dans le rapport pédérastique. Le menton imberbe pour l'éromène, représente ainsi l'homme jeune qui sera courtisé par ses ainés.Eraste et éromène
- Le genre des personnages est décalé par rapport à l'idéal hétérosexuel d'aujourd'hui ou du temps de la création. Ces considérations doivent cependant être prises avec précaution, puisque les hommes efféminés, s'il sont rattachés dans l'imagerie populaire actuelle aux homosexuels, furent au moyen-âge l'archétype de l'homme à femmes. Le renversement virilité homosociale - efféminés hétéros hier en hétéros virils - homos effeminés aujourd'hui (en simplifiant évidemment) brouille les pistes en terme d'images.Autoportrait de Dürer
- L'histoire ou les mythes présentent les amours de couples de même sexe. C'est le cas de nombreux mythes grecs : Zeus et Ganymède, Apollon et Hyacinthe, Zéphir et Hyacinthe, Pan et Daphnis, Achille et Patrocle...
Orphée est présenté comme le premier des pédérastes par Ovide, et Dürer représente au 16ème sa mise à mort par les femmes dont il a repoussé les avances (voir l'article de Tin sur ce sujet).Orphée mis à mort par les femmes dont il a repoussé les avances - Des signes et codes indiquent dans le tableau les sous-entendus de l'artiste. Ces codes changent selon les lieux et les époques. Voici quelques exemples à titre indicatif.
Le coq ou le lièvre dans la peinture et statuaire grecque sont des symboles souvent utilisés. La coutume voulait que l'éraste offre un animal à son éromène.Cadeau pédérastiqueDans la tombe du plongeur, une sépulture grecque découverte près de Paestum en Italie, un des personnages jette le contenu de sa coupe. Ce geste est lié à un jeu de banquet, dans lequel le convive qui parvenait à faire le plus de bruit en jetant le contenu de sa coupe dans un récipient en cuivre et en faisant ainsi vibrer ce dernier, gagnait le droit de choisir le serviteur de son choix pour batifoler.Tombe du plongeurLa pomme et l'aigle sont des symboles employés au 16ème, chez Crispin van den Broeck par exemple.
Vous n'aurez pas été sans remarquer que certains exemples font référence à la pédérastie et non à l'homosexualité. A partir du moment où on cherche à s'intéresser aux rapports en hommes dans l'art, parler d'homosexualité simplifie bien les choses à l'écrit, mais il faut garder à l'esprit que ce terme doit s'adapter aux multiples formes qu'ont revêtu les relations entre hommes à travers les âges. Ainsi parler stricto sensus d'homosexualité dans l'art est impossible. D'où la nécessité d'une certaine flexibilité lexicale pour aborder le sujet à travers différentes cultures, qui froissera certainement les puristes.
Les différents modes présentés ici ne sont pas exclusifs et s'ajoutent joyeusement les uns aux autres, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus vraiment les distinguer. Cette petite typologie est évidemment sommaire, la réflexion sur le genre et sa représentation seule pourrait prendre des pages, sans même parler de ses implications sur notre perception des sexualités qui en découlent, ou inversement qui en sont l'origine. Néanmoins elle pose quelques bases pour parvenir à déchiffrer les images homosexuelles.
Illustrations :
Douris, "Zéphir enlevant Hyacinthe et copulant entre ses jambes", v. 490 av. J.-C (Musée des Beaux-arts à Boston)
Leonard de Vinci, "l'homme de Vitruve" 1492 (Venise, Galleria dell' Accademia, photographie Luc Viatour)
Peintre de Cambridge 47, Scène pédérastique : l'éraste (amant) touche le menton et le sexe de l'éromène (aimé). Face A d'une amphore à col attique à figures noires v. 540 av. J.-C. (Staatliche Antikensammlungen à Munich)
Albrecht Dürer, "Autoportrait" 1493 (Musée du Louvre) La reproduction fait partie des 10 000 peintures compilées par le Yorck Project.
Albrecht Dürer, "La mort d'Orphée" 1494 (Kunsthalle, Hamburg).
Douris, Jeune homme jouant avec un lièvre, cadeau pédérastique. Médaillon d'une coupe attique à figures rouges v. 480 av. J.-C. (Musée du Louvre)
Fresque de la tombe du plongeur, scène de banquet v. 475 av. J.-C (Paestum, Italie)
Les différents modes présentés ici ne sont pas exclusifs et s'ajoutent joyeusement les uns aux autres, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus vraiment les distinguer. Cette petite typologie est évidemment sommaire, la réflexion sur le genre et sa représentation seule pourrait prendre des pages, sans même parler de ses implications sur notre perception des sexualités qui en découlent, ou inversement qui en sont l'origine. Néanmoins elle pose quelques bases pour parvenir à déchiffrer les images homosexuelles.
Illustrations :
Douris, "Zéphir enlevant Hyacinthe et copulant entre ses jambes", v. 490 av. J.-C (Musée des Beaux-arts à Boston)
Leonard de Vinci, "l'homme de Vitruve" 1492 (Venise, Galleria dell' Accademia, photographie Luc Viatour)
Peintre de Cambridge 47, Scène pédérastique : l'éraste (amant) touche le menton et le sexe de l'éromène (aimé). Face A d'une amphore à col attique à figures noires v. 540 av. J.-C. (Staatliche Antikensammlungen à Munich)
Albrecht Dürer, "Autoportrait" 1493 (Musée du Louvre) La reproduction fait partie des 10 000 peintures compilées par le Yorck Project.
Albrecht Dürer, "La mort d'Orphée" 1494 (Kunsthalle, Hamburg).
Douris, Jeune homme jouant avec un lièvre, cadeau pédérastique. Médaillon d'une coupe attique à figures rouges v. 480 av. J.-C. (Musée du Louvre)
Fresque de la tombe du plongeur, scène de banquet v. 475 av. J.-C (Paestum, Italie)
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